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L’histoire maritime de Saint-Malo est plus riche qu’on ne le pense le plus souvent. Qui sait, par exemple, que les premiers Français à avoir effectué le tour du Monde, sous Louis XIV, étaient des malouins, navigant sur un navire construit à Saint-Malo (le Grand Dauphin), commandé par un malouin, pour une expédition financée presque entièrement pas des négociants de Saint-Malo ?
L’idée des armateurs était d’expédier un navire approvisionner les colonies espagnoles d’Amérique latine, comme plusieurs autres navires malouins le faisaient depuis quelque temps, puis de poursuivre le voyage en traversant l’océan Pacifique pour aller acheter des marchandises chinoises, très appréciées en Europe (soieries, thé, porcelaines…), et de revenir par l’océan Indien.
Le détail de ce premier tour du monde est maintenant connu, grâce à la redécouverte toute récente d’un récit manuscrit inédit (réalisé par un chirurgien du bord) qui dormait dans les réserves de la bibliothèque de l’Institut à Paris. L’opération ayant été réussie, tant du point de vue nautique que du point de vue financier, les armateurs renvoyèrent le Grand Dauphin réaliser un second tour du Monde, sur un itinéraire très proche du premier voyage suivi, peu avant, par le même navire. Le hasard fait que le journal de navigation de ce second tour du monde vient d’être retrouvé. Il complète utilement le premier récit, car il donne, au jour le jour, le récit d’une navigation qui n’était pas exempte de risques (le navire fut attaqué par des pirates malais, il manqua s’échouer sur les îles Galapagos, mal placées sur les cartes de l’époque, et s’échoua ultérieurement sur un écueil, inconnu des cartes, au large de Sumatra). Mais il parvint à se tirer de ces mauvais pas, ainsi que des difficiles passages du cap Horn et du cap de Bonne Espérance, tous deux franchis contre les courants et les vents dominants.
La réussite de ces deux expéditions océaniques, tentées avec les moyens de navigation rudimentaires de l’époque (l’octant n’existait pas encore, les cartes marines étaient très imprécises dès qu’on s’éloignait de l’Europe), témoignent de l’excellent professionnalisme des marins de Saint-Malo, de la qualité de la construction du navire, qui résista à des tempêtes qui furent fatales à de plus gros navires, mais également de l’audace des armateurs, qui n’hésitaient pas à consacrer une part importante de leur fortune dans ces expéditions aventureuses.
Patrice Decencière
Issu d’une famille malouine engagée dans le négoce maritime et la guerre de course sou l’Ancien Régime, j’ai effectué pas mal de recherches des deux côtés de la Manche, sur l’histoire de certains de mes ancêtres (non malouins) ayant combattu au XVIIIème. J’ai depuis élargi mes centres de recherches, et je suis, depuis une douzaine d’années, rédacteur en chef de la revue Neptunia éditée par les Amis du musée national de la Marine.